NewsletterCitations inspirantes


Portrait de

Julien Grouillet

28 ans

Chargé des partenariats RSE chez CARE France

 

web : www.carefrance.org

"Des partenariats entre ONG et entreprises : voilà une association de mots qui peut encore en surprendre quelques-uns car le temps n'est pas si loin où les quolibets fusaient de part et d’autre - « gauchiste » contre « grand capital », « salauds de riches » contre « salauds de pauvres », « amateurs » contre « affameurs »… Si le dialogue est toujours vif aujourd’hui, ces deux univers du non-profit et du for-profit ne sont plus étanches désormais, et les postures de dénonciation réciproque se prolongent parfois dans la proposition et l’action conjointe. C’est le sens de mon travail auprès des entreprises chez CARE : « Et maintenant, qu’est-ce qu’on fait ? ».

Rendre le monde un peu meilleur, lutter contre l’extrême pauvreté sur tous les fronts, c’est le mandat de CARE. Délirant ? Sûrement pas. Ambitieux ? Sans aucun doute, mais celui qui ne se fixe pas d’objectifs n'a aucune chance de les atteindre. La pauvreté est un phénomène complexe et multidimensionnel. Par ailleurs, les moyens et les ressources dédiés à l’aide au développement sont sans commune mesure avec les besoins. Pire : l’écart se creuse. La partie est loin d'être gagnée. Il nous faut donc jouer sur l’ensemble des leviers à notre disposition et le secteur privé en est un, jusqu’ici largement inexploité.

Faire en sorte que les entreprises fassent désormais partie de la solution plutôt que du problème, comme diraient nos collègues anglo-saxons, qu’elles optimisent leur contribution au développement, voilà le défi qui est posé, voilà le pari que nous prenons.

Quelles études m'ont amené jusqu’ici ? J'ai fait Sciences-po Lyon puis Sciences-po Bordeaux, deux formations généralistes orientées vers l’international. Mes expériences initiatrices, comme la plupart des étudiants, je les ai vécues à l’étranger : en Inde, au Cambodge puis au Japon. Quelques «ailleurs» extrêmes pour moi qui m’ont fait prendre conscience de l’îlot précaire de richesse sur lequel nous vivons, et de la nécessité de replacer l’homme au centre du développement durable. Le réchauffement climatique par exemple, n’est pas un problème météorologique, mais avant tout la chronique d’une catastrophe humanitaire annoncée. Au retour de ces voyages, difficile de faire comme si de rien n'était…

Ma première vraie expérience professionnelle s'est faite chez Lafarge, numéro un mondial des matériaux de construction. Au menu : plâtre, ciment et granulats. Loin du glamour des baroudeurs en pataugas. Pourtant, Lafarge a développé depuis 5 ans un programme passionnant et innovant de lutte contre le sida pour ses salariés et leurs familles dans une dizaine de pays d’Afrique subsaharienne. Ce projet dont j’ai eu la chance d’assurer la coordination est un bel exemple de solution gagnant-gagnant entre performance économique et bénéfice social. C’est exactement ce type de modèles pragmatiques et efficaces que je souhaite développer chez CARE avec nos partenaires du privé. D’autres grands groupes, producteurs de services essentiels nous ont rejoint : nous travaillons par exemple à l’heure actuelle avec EDF et Sanofi-Aventis sur des projets de responsabilité sociale des entreprises (RSE) en Afrique du Sud et au Cameroun.

Quand je suis arrivé chez CARE, mon futur directeur général m’a dit, en consolation je pense, du salaire de subsistance qui est de rigueur dans le secteur : " tu verras le monde et on ne te volera pas les résultats de ton travail". Deux ans après, je pense que CARE a tenu ses promesses. J’ai eu l’occasion d’effectuer des missions régulières à l’étranger et de voir au passage le travail incroyable que font les équipes sur le terrain. Les sujets sur je travaille avec nos partenaires sont variés et passionnants (lutte contre le paludisme et le VIH, dialogue avec les parties prenantes, ancrage de l’entreprise dans les pays du Sud etc.) – allant du conseil aux entreprises à la facilitation de partenariats avec les filiales sur le terrain.

Comme ailleurs il y a parfois des pics d’activité mais rien qui n'ait été une menace pour ma vie privée ou qui m’ait contraint à des arbitrages inhumains. Toute organisation qui s’interroge sur le développement durable devrait d’ailleurs comprendre que son efficacité sur le long terme sera portée par des employés qui dorment plus de 4 heures par nuit et qui ont encore un peu de sang dans leur caféine !"

Mes messages-clefs
"Dans la plupart des cas, pour un jeune diplômé, je ne suis pas certain qu’entrer directement dans une ONG à la sortie de l’école soit une bonne stratégie (un discours que m’avaient tenus trois directeurs de l’association pendant mes entretiens d’embauche !). Sauf révélation ou prédestination, un parcours pur ONG peut s'avérer enfermant. Entre le mythe de la grande gueule incontrôlable et celui du dilettante, les préjugés sont tenaces. Résultat : l’entreprise valorise encore peu les expériences associatives. La réciproque n'est pas vraie, les ONG sont très favorables aux candidats du secteur privé surtout lorsqu'il s'agit de professionnels expérimentés (RH, communicants, cadres, acheteurs, ingénieurs etc.) désireux d’ajouter une dimension humaine à leur pratique."

"J’ai passé pas mal de temps dans les bouquins sur les bancs de la fac. Mais au risque de démolir mon « Karma carbone » je dirais qu’il faut parfois mettre son livre dans son sac à dos et prendre un billet d’avion pour aller voir le terrain !."

 

 


© Graines de Changement, Septembre 2007 - Tous droits de reproduction et de diffusion réservés