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Interview
de
Rodolphe
Bocquet
Directeur
du développement durable et solidaire,
Conseil Régional d'Aquitaine
web
: www.aquitaine.fr
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"Ma
direction emploie une vingtaine de collaborateurs autour
de nos deux missions : accompagner l’émergence
des compétences et des filières dans les
nouveaux marchés que font naître les contraintes
environnementales, et soutenir le développement
de projets économiques à finalité
sociale. Nos missions demandent à concilier rigueur
administrative et créativité, car la collectivité
régionale doit souvent jouer un rôle moteur
pour la co-construction de politiques en partenariat
avec les autres acteurs, publics ou privés, du
territoire.
Après mon diplôme
d’HEC (95), spécialisé en finance
des marchés, j’ai exercé pendant
plus de six ans une activité de trader sur les
marchés financiers à la Société
Générale. J’y trouvais une réelle
satisfaction, dans un contexte d’émulation
prononcée, avec une relation extrêmement
directe entre performance et sanction. Mais cette activité
n’a jamais pu répondre à certaines
de mes aspirations d’engagement. Fruit d’un
parcours de bon élève, elle ne correspondait
pas à une réelle détermination
personnelle. Je me posais régulièrement
des questions, sans qu’aucun changement n’en
découle, dans un premier temps.
Le fait d’avoir conservé
une ouverture à d’autres modes de vie,
par mon entourage amical notamment, m’a facilité
le changement : mes rencontres me confrontaient à
des parcours familiaux ou professionnels incarnant certaines
de mes aspirations, et cela m’a finalement décidé
à trouver les moyens de changer de direction.
Il est vrai aussi que le fait d’avoir entre-temps
ma réussite dans les activités de trading,
en termes financiers et de responsabilités, a
grandement favorisé ce passage à l’acte.
Après tout, ne m’étais-je pas dit
que « si je m’y débrouillais
suffisamment bien, ce métier me permettrait de
« m’acheter du temps » pour faire
enfin ce dont j’avais envie ? ».
J’ai donc pris une année
sabbatique pour suivre les mastères d’ingénierie
et de gestion de l’environnement de l’école
de mines de Paris. Et j’ai ensuite rejoint la
délégation régionale de l’ADEME
en Aquitaine, pour y assurer pendant trois ans les fonctions
de délégué régional. En
rejoignant finalement le Conseil régional, j’ai
souhaité quitter un centre de ressources pour
me rapprocher d’un centre de décisions,
toujours sur les thèmes du développement
durable. Mon champ d’intervention s’y est
également enrichi, intégrant la dimension
sociale à la dimension environnementale.
J’exerce aujourd’hui
une fonction au service de valeurs qui me sont chères
(l’harmonie entre l’humain et la biosphère,
la diversité culturelle, le lien social), dans
une forme à laquelle j’adhère :
celle du processus de décision démocratique
et du respect de l’entreprise comme formidable
moteur d’évolution.
Evidemment, les conditions salariales
de mes deux derniers emplois sont sans commune mesure
avec mon premier job à la Société
Générale. J’ai par contre gagné
en cadre de vie, puisque je vis désormais à
Bordeaux et non à Paris. Mais mon activité
est marquée par un engagement personnel conséquent,
parfois difficile à articuler avec une famille
de trois jeunes enfants. La contrepartie est que j’ai
l’impression d’être au bon endroit
pour apporter ma contribution au monde dans lequel je
vis. J’y gagne une certaine sérénité
!"
Mes messages-clefs
" S’accorder le temps nécessaire
à une définition objective de ses facteurs
de satisfaction. Prendre conscience que cet objectif
peut être atteint dans l’immense majorité
des activités (et c’est bien là
l’horizon souhaitable !), et que le travail n’est
pas la seule sphère permettant d’être
en adéquation avec ses valeurs."
" Rencontrer un
maximum de personnes du secteur visé : les portes
s’ouvrent souvent plus facilement qu’on
ne l’imagine pour échanger des expériences."
"S’autoriser
à se déterminer seul(e), en sortant d’une
logique de « chemin tracé » en fonction
de référents sociaux, et croire en la
légitimité de mes aspirations. L’acquisition
de cette maturité ne se fait sans doute qu’à
l’occasion d’une « crise »,
surtout quand il s’agit de quitter une situation
où vous réussissez plutôt bien.
Dans mon cas, j’ai longtemps repoussé certaines
aspirations à des lendemains plus harmonieux
et ai eu progressivement l’impression de m’éloigner
toujours plus d’une partie de moi-même.
Lorsque j’ai finalement commencé à
prêter l’oreille à ces voix intérieures,
j’ai été complètement submergé.
Mais il m’a fallu plus de six mois, de nombreux
questionnements autour de moi et un bilan de compétences
pour mettre un peu d’ordre dans ce chamboulement
systémique."
© Graines de Changement,
Septembre 2007 - Tous droits de reproduction et de diffusion
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