"Ashoka est une association internationale créée
en 1980 dont la mission est de promouvoir le progrès
social en pariant sur la capacité d’innovation
des individus. Nous soutenons dans leur initiative des
entrepreneurs sociaux, des gens capables de prendre
l'initiative et de lancer des projets innovants qui,
à terme, apportent de nouvelles solutions, à
grande échelle, à des problèmes
sociaux et environnementaux. À travers le développement
d'Ashoka, mon rôle est de participer à
l'évolution du secteur associatif en France et
de créer une passerelle entre les notions d'entrepreneuriat
et d'utilité sociale, en convaincant des investisseurs
privés de soutenir des porteurs de projets. Je
suis arrivé chez Ashoka il y a 2 ans : aujourd'hui
nous sommes trois à y travailler à temps
plein, aidés de deux personnes à mi-temps.
D'un côté, je collecte des fonds et de
l'autre, je coordonne les actions d'Ashoka en France
qui portent principalement sur l'identification, le
financement et l'accompagnement des entrepreneurs sociaux
- ainsi que leur mise en réseau. Nous avons récemment
lancé deux nouveaux programmes : le premier est
un concours de business plans à vocation sociale
qui vise à changer les modes de fonctionnement
des acteurs de l'économie sociale – c’est
en fait un prétexte pour les accompagner dans
la recherche de nouveaux modèles de développement
et d’une diversification des modes de financement
afin d'assurer leur pérennité et d'accroître
leur impact. Le deuxième vise à promouvoir
l'entrepreneuriat social auprès des jeunes (de
12 à 25 ans). On s'aperçoit en effet que
la plupart des entrepreneurs sociaux sont des personnes
qui ont commencé à monter des projets
dès le plus jeune âge et qui ont multiplié
les expériences. Or, aujourd'hui, la notion d'entrepreneuriat
est très connotée business pour les jeunes
et cela nuit à son développement. Il faut
démystifier cela et faire comprendre que l'entrepreneuriat
est d'abord un état d'esprit.
Mon métier, c'est en fait
du capital risque philanthropique, c'est-à-dire
l’adaptation d'une activité qui existe
depuis des années dans le monde des affaires
: celle des investisseurs qui, en décidant d'investir
dans des secteurs émergents, ont contribué
à leur croissance. La seule différence
avec les capital risqueurs classiques, c'est qu'au lieu
de chercher à maximiser les profits, nous cherchons
à maximiser le retour social des projets que
nous finançons. Par ailleurs, Ashoka contribue
à l'émergence d'une nouvelle profession,
celle des entrepreneurs sociaux, et permet de donner
un horizon plus ambitieux à un certain nombre
de projets qui, sans nous, n'auraient eu un impact que
local. Ashoka a un effet de levier qui les aide à
changer d'échelle.
J'ai un parcours plutôt associatif. Pendant mes
études à l'ESCP, j'étais sportif
de haut-niveau (en lutte) et je m'occupais d'une association
de réinsertion par le sport en région
Ile de France. Pendant ma dernière année
de Master "Innover et Entreprendre" en 1999,
alors que tout le monde travaillait sur des projets
de start-up, mon projet portait sur la création
d'une ONG et c'est ainsi qu'à commencé
Sport Sans Frontières, que j'ai ensuite développé
pendant 6 ans avant de rejoindre Ashoka.
Si les écoles de commerce
forment des chefs de projet, des managers, elles ne
créent pas des entrepreneurs. Outre la gestion
de projets, la principale chose que je leur dois c'est
d'avoir appris à créer et à développer
un réseau. En effet, le premier risque pour un
entrepreneur est de se renfermer seul sur son projet.
Or il est essentiel de partager et de profiter de l'expérience
d'un maximum de personnes lorsqu'on débute dans
son projet. Au fond, c'est ce que permet Ashoka. En
donnant un nom à un secteur éclaté,
composé de responsables associatifs et de travailleurs
sociaux, l'association a contribué à la
création d'une identité commune et donc
d'un réseau naturel de gens qui ne cherchaient
pas forcément à travailler ensemble.
Depuis le début de ma
carrière, mon principal défi est de dépasser
le scepticisme du secteur associatif. Au début
de Sport Sans Frontières, on me riait au nez
quand je disais que le sport pouvait participer à
l'insertion des femmes en Afghanistan ou à aider
des enfants rescapés de la guerre. Pour la plupart
des personnes travaillant dans l'humanitaire, le sport
était la dernière chose dont ces populations
avaient besoin. La culture humanitaire française
est assez hermétique aux nouvelles façons
de faire et il a fallu pendant longtemps se battre contre
les idées reçues. J'ai retrouvé
ce scepticisme en arrivant chez Ashoka. Comme son siège
est aux USA, nous avons été perçus
comme des Américains qui débarquaient
et venaient manger une part du gâteau qui ne grandirait
jamais. Nous avons dû montrer que nous étions
une association internationale, présente dans
70 pays, et que nous avions une approche complémentaire
avec des synergies, des croisements possibles. Le dernier
niveau de scepticisme est celui de la société
vis-à-vis de la notion d'entrepreneuriat. Beaucoup
de gens ayant rejoint le monde de l'entreprise par défaut,
il nous faut mobiliser les énergies de créativité
et d'innovations qui sont éteintes. Le jour où
y aura autant d'Ashoka que de fonds d'investissement
ou de business angels, les réponses aux problèmes
de société seront complément différentes
…
Mon métier me passionne
et je me demande même ce que je pourrais trouver
de plus passionnant après …Mes satisfactions
? Être en phase avec ses valeurs, avoir de la
liberté d'action et de décision, voir
l'impact de ses actions, amener les gens à réfléchir
différemment sur leurs projets en les écoutant
et en prenant du recul, ou pour les investisseurs, en
leur ouvrant les yeux et en les intéressant à
des choses nouvelles."
Mes messages-clefs
"Ecoutez
votre instinct : on ne va dans ce secteur que si on
en a envie et il n'y a rien de pire que de refouler
cette pulsion. Même s'il est difficile de s'affranchir
du regard des autres, n'écoutez que vous-même
et lancez-vous car plus on sera, mieux on sera !."
© Graines de Changement,
Septembre 2007 - Tous droits de reproduction et de diffusion
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