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Portrait
de
Tristan
Lecomte
33 ans
PDG-fondateur
d'Alter Eco
web
: www.altereco.com
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""Mieux
vaut allumer une bougie que de maudire les ténèbres",
voici mon credo. J'ai découvert le commerce équitable
grâce à un article que m'a donné
l'une de mes sœurs 2 ans après la fin de
mes études à HEC. Je travaillais alors
à l'audit interne chez l'Oréal, ce qui
n'était définitivement pas pour moi !
J'étais donc à la recherche d'un métier
que me convenait le mieux et c'est à la lecture
de cet article, à 23 ans, que j'ai décidé
de me lancer.
Au début mon entourage
ne me prenait vraiment pas au sérieux, mes collègues
me demandaient "quand vas-tu recommencer à
travailler ?" Au-delà de mes études
de commerce, je crois que ce qui m'a le plus aidé
c'est mon activité associative sur le campus.
J'avais monté une association, Solidarité
France Népal, c'est grâce à ça
que j'ai appris à monter un projet, à
faire des budgets, à y croire, à pousser
les gens à y croire …
Pendant les trois premières
années, je ne me suis peu ou pas payé
et même retrouvé au bord de la faillite.
De 1998 à 2002, l'activité avec la boutique
et le site Internet ne marchait pas du tout et ce que
je vendais n'avait pas de réalité économique.
La situation n'était ni satisfaisante pour nous
(j'avais 25 salariés), ni pour les producteurs
pour lesquels le retour était très faible.
Je m'accrochais à bout de bras pour essayer de
faire croire que l'idée fonctionnait mais épuisé,
j'ai dû fermer boutique et redémarrer à
zéro. Je suis parti travailler chez PriceWaterhouseCoopers
qui a accepté de me financer pendant un an pour
que je puisse recommencer l'activité. J'ai alors
décidé de changer de modèle et
de vendre mes produits à travers la grande distribution,
chez Monoprix… et là, l'activité
a décollé. De 1 million d'euros en 2002,
le chiffre d'affaires n'a pas cessé d'augmenter
pour atteindre 17 millions d'euros en 2006 … Nous
avons 51 salariés aux profils très diversifiés
(écoles de commerce, science po, universitaires
parlant plusieurs langues, etc) et nous sommes "envahis"
par les femmes ce qui nous pousse à faire de
la discrimination positive en faveur de la gente masculine.
Nous arrivons à être rentables en faisant
de faibles marges mais d'importants volumes. Aujourd'hui,
le retour pour les producteurs est significatif, d'un
point de vue économique évidemment mais
également parce que, pour eux, être sur
les linéaires de Carrefour et de Monoprix est
un vrai signe de reconnaissance de la qualité
de leurs produits. Nous avons maintenant lancé
de nouveaux produits dans le domaine des cosmétiques
et démarré une filiale aux USA et en Australie,
c'est dur mais ça décolle. Je crois qu'après
avoir débuté un projet, il faut s'y mettre
à fond sans se poser trop de question et un jour,
ça marche !
Notre défi maintenant
est de développer la notoriété
d'AlterEco et de nous démarquer en tant qu'acteur
spécialisé du commerce équitable
par rapport aux autres produits labellisés Max
Havelaar : on audite, on accompagne les producteurs,
on fait du vrai travail de terrain … D'ailleurs,
mes plus grandes satisfactions sont les échanges
humains avec les producteurs quand je leur rends visite,
que je vois leur organisation se renforcer, s'émanciper.
Ce sont justement les valeurs humaines qu'ils mettent
en avant et c'est peut-être la plus grande leçon
que j'ai appris à leurs côtés. Plus
pragmatiquement, les produits sont achetés 88%
plus cher que la moyenne du marché et les producteurs
reçoivent en complément une prime pour
financer des projets de développement local (certification
bio, amélioration des pratiques,…). En
parallèle, nous échangeons beaucoup avec
les différentes coopératives pour créer
une vraie dynamique de développement. En aval,
du côté des consommateurs, nous cherchons
à sensibiliser le public au rapport entre consommation
et citoyenneté afin de contribuer à faire
émerger une prise de conscience sur l'impact
de nos choix consommations. La prochaine étape
? Parmi les grandes questions d'avenir sur lesquelles
on s'interroge aujourd'hui : comment, à partir
de l'expérience du commerce équitable
qui concerne les échanges Nord-Sud, pouvons-nous
aider les producteurs français ?
Mon métier correspond
à 100% à mes valeurs personnelles, qui
sont d'inspiration religieuse au départ et qui
se sont transformées en engagement sociétal
et politique. Je veux être utile à la société
et au monde… Cela m'aide à savoir à
quoi je sers sur terre. Ma vie professionnelle me nourrit
dans la vie personnelle … un peu trop parfois
! Et mes nombreux voyages n'arrangent rien. C'est la
contrepartie (ou le piège) de travailler pour
sa passion - mais c'est peut-être plus lié
au métier d'entrepreneur qu'au secteur. Côté
salaire, je gagne deux fois moins que la moyenne des
PME en France mais c'est normal : de la même manière
que dans les ONG, plus tu montes dans la hiérarchie,
plus le décalage se creuse avec le salaire moyen
à expérience/compétences comparables.
Je vois cela comme des concessions plutôt que
des sacrifices car le salaire est contrebalancé
par l'intérêt du boulot … Quand tu
n'aimes pas ce que tu fais, tu ne peux pas le faire
bien !"
Mes messages-clefs
"Montez
votre entreprise ! Il y a plus d'opportunité
à entreprendre car c'est un petit secteur à
développer. Sinon, venez faire du commercial
chez nous !"
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