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Portrait
de
Ghislain
Morillon et Sébastien Kopp
58 ans à eux deux
Associés-fondateurs
et gérants de VEJA
web
: www.veja.fr
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"GM : Veja est une nouvelle
marque de street-wear équitable. En gros, il
s’agit d’appliquer les principes du commerce
équitable et du développement durable
à des produits de mode que sont les baskets.
On s’intéresse aux matériaux utilisés
(coton bio équitable, caoutchouc équitable),
à l’impact environnemental de leur transformation
(teinture), et aux conditions de travail au moment de
leur confection.
SK : En ce qui concerne la valeur
ajoutée sociale ou environnementale de notre
activité, je considère que notre impact
se fait plutôt sur l'amont de la chaîne.
Le faire de vendre des baskets bio et équitables
non seulement améliore la vie des producteurs
mais contribue également à améliorer
la filière en amont. Nous travaillons avec trois
coopératives de manières premières
(coton et caoutchouc) et une tannerie de cuir qui utilise
des tanins végétaux. Notre idée
est que si nous aidons les filières à
améliorer leur production, leurs autres clients
(des marques de luxe, dans le cas de la tannerie) pourront
eux aussi améliorer la qualité de leurs
produits.
GM : Nous nous sommes connus
au lycée. L'idée de la création
de Veja nous est venue au retour d’un tour du
monde des projets de développement durable mené
par des multinationales, que nous avons fait à
la fin de notre école de commerce. Notre objectif
était de confronter une vision traditionnelle
du commerce à la réalité écologique
et sociale du monde. Et il faut dire que nous avions
vraiment envie de voyager, de prendre le pouls de la
planète. Au cours de ce voyage, nous avons pris
conscience qu’il était difficile de faire
bouger les pratiques dans une structure existante et
qu’il serait plus simple de créer une entreprise
sur de bons principes, dès le départ.
SK : Ce tour du monde nous a
ouvert les yeux sur la réalité des projets
de développement durable menés par les
entreprises, ce fut une sorte de désenchantement.
Rapidement il n’y a plus eu de doute possible
: inutile de mener un combat Don Quichottesque pour
faire changer les organisations déjà en
place, la seule solution était d'intégrer
directement les principes du développement durable
pour créer un nouveau type d'entreprise !
GM : Si nous avons eu des difficultés
au départ ? Pour ma part, le projet avait un
"capital sympathie" plutôt impressionnant.
Je n'ai pas eu à faire face aux réticences
de mon entourage. Aujourd'hui notre défi est
plutôt de bien gérer la croissance en maintenant
le même niveau d'exigence. La chose la plus importante
pour nous est de réussir à grandir en
étant toujours aussi regardants sur les critères.
Il nous faut arriver à concilier les impératifs
du marché européen avec la réalité
des producteurs du Sud. Les problèmes de délais
et de qualité reviennent quotidiennement sur
le tapis. Enfin avec la croissance de l'équipe,
(nous sommes douze en tout : 10 en France et 2 au Brésil),
nous devons faire face à des difficultés
de chefs d'entreprise, de gestion d'équipe, etc.
Nos études nous servent évidemment dans
le sens où nous avons appris le langage de l'entreprise
et que nous avons une petite idée de ce qu'il
faut faire mais ça s'arrête là.
SK : Je serais un peu plus modéré
sur nos débuts… Je me rappelle plutôt
que lorsque nous parlions de notre projet, personne
ne nous croyait. On débarquait sans expérience,
dans un pays à risque en voulant faire du commerce
équitable, sur un marché sinistré,
celui de la basket. Les avertissements étaient
plutôt négatifs ! Aujourd'hui, je crois
que je commence à comprendre la difficulté
des grandes entreprises à changer. Je dirais
que notre premier défi est de toujours innover,
d’approfondir encore la démarche et c'est
ce qui nous donne envie de continuer … nous ne
sommes pas encore assez satisfaits pour arrêter.
GM : Ma plus grande satisfaction
au quotidien est de voir l'impact du commerce équitable
sur les producteurs avec lesquels nous travaillons car
ça réveille en eux des rêves mais
aussi des projets concrets pour améliorer leur
quotidien. J'ai toujours un immense plaisir de voir
les producteurs et de me rendre compte qu'ils sont heureux
d'être impliqués dans cette démarche.
Entre le Brésil et Paris, nous avons la chance
de rencontrer des gens que nous n'aurions jamais connus
dans une entreprise classique. Et faire ce grand écart
permanent entre deux mondes qui n'ont rien à
voir nous permet de prendre du recul. L'autre satisfaction
est de voir le climat d’entraide qui règne
aujourd’hui dans le monde des entreprises solidaires.
SK : J’ajouterais qu'une
de mes grandes satisfactions est d'avoir un métier
qui a du sens et d'avoir la chance de travailler dans
un domaine où il y a tout à inventer,
tout à changer."
Mes messages-clefs
"N’hésitez
pas contacter les gens dont vous aimez le travail. Demandez
leur conseil.
Commencez à apprendre un métier et développez
une vraie compétence dans un domaine : on a besoin
de commerciaux, de comptables, d’agronomes, etc.
Aujourd'hui, avec du recul, ce qui nous a manqué
c'est une connaissance d'ingénieur, pour comprendre
les process industriels, les matières, car il
y a tant de solutions à inventer … Or si
l’on veut vraiment aider et faire progresser les
producteurs sur le terrain, il faut comprendre leur
métier."
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Septembre 2007 - Tous droits de reproduction et de diffusion
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