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Portrait de

Laura Donovan

39 ans

Responsable des relations institutionnelles chez Storebrand Investments France *

web : www.storebrand.com

* Laura Donovan a quitté ce poste en été 2004, suite à la fermeture du bureau français de Storebrand

"Je suis américaine et je suis arrivée en France en 1995. Aujourd’hui, je suis responsable des relations institutionnelles chez Storebrand, un des premiers assureurs norvégiens et un pionnier de l’investissement socialement responsable. Mon poste consiste à convaincre les entreprises de placer leur argent dans des fonds responsables. En d’autres termes, je pousse le marché financier à élargir les critères traditionnels de l’analyse financière des entreprises pour prendre en compte la performance sociale et environnementale. Ce n’est pas vraiment un nouveau métier, il s’agit uniquement d’investir selon de nouvelles règles.

Bizarrement, ce ne sont pas mes études commerciales mais mes études de philosophie qui m’ont guidée jusque-là. Mon MBA m’a appris le langage de l’entreprise, mais c’est davantage en étudiant Wagner et le poète anglais John Milton que j’ai compris la logique d’une vision globale, systémique, où chaque chose a sa place ! Pour moi, l’activité d’une entreprise n’a pas de sens si elle ne s’inscrit pas dans un cadre plus large où l’on se pose la question de son utilité sociale et où la prise en compte des impacts sociaux et environnementaux fait partie de la gestion à long terme.
Avant d’arriver en France, j’étais professeur de littérature à Boston. J’ai toujours été très active et engagée politiquement. Lorsque j’étais étudiante, j’avais monté une association pour aborder les problématiques de l’apartheid en Afrique du Sud. A l’époque, le secteur privé ne prenait pas au sérieux ces thèmes sociaux et il me semblait alors hors de question de travailler pour une entreprise. Je suis donc devenue professeur et j’ai enseigné dans une faculté publique qui attire des étudiants de quartiers difficiles - avec des femmes battues, des personnes au chômage, des jeunes en difficulté… Et puis j’ai voulu viser plus large et contribuer à changer le système d’une manière qui aurait un impact plus grand, en touchant plus de monde. A cette époque, les entreprises commençaient à être plus à l’écoute et il me semblait qu’il devenait possible de faire bouger les choses dans l’entreprise. Après mon arrivée en France en 19958, j’ai fait un MBA à Reims Management School : cela n’a pas été facile d’être admise, soit dit en passant, car il semblait impossible qu’une littéraire puisse faire un MBA, et franchement je crois que si je n’avais pas déjà été, en même temps, professeur d’anglais dans cette même école, on ne m’aurait pas acceptée en MBA !

J’ai donc commencé par travailler chez AReSE, la première agence de notation sociale et environnementale créée en France, où je me suis occupée de monter un centre de recherche sur le développement durable, pour créer un lien concret entre la recherche sur la responsabilité sociale et environnementale et les entreprises. J’y suis restée 9 mois puis je suis partie chez Storebrand au moment où ils montaient leur bureau en France.

Le défi que je trouve le plus intéressant dans mon métier aujourd’hui, c’est d’ouvrir le champ de vision de mes interlocuteurs, de les aider à enlever leurs œillères. Il ne s’agit pas d’imposer un nouveau mode de pensée, mais d’amener les gens à penser autrement l’entreprise et son rôle dans la société. Il n’y a rien de plus satisfaisant que de voir quelqu’un qui comprend et modifie ses manières de voir ou de faire. Mais on se prend des claques tous les jours, surtout lorsqu’on est une femme et qu’on travaille dans la finance, qui reste un milieu plutôt masculin avec une forte inertie ..."

Mes messages-clefs
"Pour moi, ça n’a pas de sens de vouloir travailler spécifiquement dans le développement durable, car on a besoin de gens qui fassent bouger les choses dans tous les domaines pour faire avancer le sujet de manière très concrète. Il faut des professionnels qui remettent en cause ce qui se fait traditionnellement dans tous les champs professionnels. Par exemple, dans le domaine de l’investissement responsable, tout est à faire : on a besoin de financiers et d’experts pour mettre en place des outils et mener une réflexion de fond sur le rôle de la finance dans la société."

" Ne renoncez pas à vos valeurs, fixez ses propres règles et tenez-y vous car c’est ainsi que petit à petit on fait changer les choses, et les gens, autour de soi. Et puis n’attendez pas le « bon moment » pour agir car le changement se joue au quotidien."

 

 


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