Numéro 8 - Septembre
2004
Notre
revue mensuelle de l'information positive sur le web…
et ailleurs
La Fondation Tariq Khamisa
parie sur le pardon pour mettre un terme à la
violence
En 1995, Tariq Khamisa, alors étudiant à
l’Université de San Diego et âgé
de 20 ans, faisait quelques « extras » comme
livreur de pizzas, pour gagner un peu d’argent
de poche. Mais le soir du 21 janvier, il fut abattu
de sang-froid, pendant son travail, par un jeune garçon
de 14 ans, Tony Hicks, membre d’un gang de banlieue
qui avait commandé des pizzas et ne voulait pas
les payer. De ce fait divers banalement tragique est
née une Fondation hors du commun, créée
par Azim Khamisa, père de Tariq, avec Ples Felix,
grand-père de l’assassin de son fils, pour
promouvoir la non-violence auprès des jeunes.
La première réaction d’Azim, à
la nouvelle du meurtre de son fils, ne fut pas la soif
de vengeance mais le sentiment d’être responsable
de ce qui s’était passé, puisque
ce musulman avait voulu venir vivre aux Etats-Unis après
avoir fui la discrimination au Kenya : « J’avais
l’impression d’avoir littéralement
fait une fatale erreur. Mon fils, né aux USA,
avait été tué dans une rue du pays
que j’avais choisi pour lui. Mais dès le
départ, j’ai pensé qu’il y
avait eu deux victimes dans cette affaire, une de chaque
côté du revolver. Je pleurerai la disparition
de mon fils Tariq pour le restant de mes jours. Mais
mon chagrin s’est transformé en une volonté
puissante de faire changer les choses. Car il est urgent
de changer une société où des enfants
tuent d’autres enfants », se souvient-il.
Azim a poussé sa démarche de pardon jusqu’à
aller rencontrer Ples Felix, grand-père et tuteur
du meurtrier de son fils, Tony Hicks. Il a trouvé
en Ples un compagnon qui, lui aussi, était triste
à l’idée que deux vies avaient été
dévastées – celle de Tariq bien
sûr mais aussi celle de son jeune assassin (Hicks
fut le premier adolescent jugé comme un adulte
dans l’Etat de Californie et purge désormais
une peine de 25 ans à la prison de New Folsom).
Avec Ples, qui travaille pour la Ville de San Diego,
Azim a donc créé la Tariq Khamisa Foundation
(TKF) en octobre 1995, pour mettre un terme à
la violence des jeunes. Une façon de se souvenir
de la vie de Tariq et de donner un sens à sa
mort. Ensemble, Azim et Ples sont depuis allés
parler du « pouvoir du pardon » à
plus de 350 000 jeunes, dans le cadre de leur programme
« Violence Impact Forum ». « Mon
rêve », raconte aujourd’hui Khamisa,
« est d’être présent dans chaque
école de ce pays… et du monde entier. Un
jour, nous serons aussi dans des endroits comme Israël,
la Palestine ou l’Irak. »
Pour en savoir plus : www.tkf.org
Le WWF veut réactiver
les liens entre l'écologie et la religion
Si la religion divise parfois les hommes, elle est aussi
une source exceptionnelle de mobilisation et de rassemblement,
ce qui lui donne un rôle potentiel important pour
promouvoir des modes de vie plus respectueux des personnes
et de l'environnement. La nature occupe d'ailleurs une
place privilégiée dans la plupart des grandes
traditions spirituelles, avec des enseignements relatifs
à la relation de l'homme au monde qui l'entoure,
à la terre ou aux animaux. Depuis quelques années,
la première organisation mondiale de protection
de la nature, le WWF International, tente donc de réactiver
le lien entre écologie et spiritualité :
cinq milliards de personnes dans le monde pratiquent une
religion et l'implication des communautés religieuses
est un moyen de sensibiliser un public large aux
enjeux de l'écologie.
Dès 1986, le WWF a initié une collaboration
avec les traditions spirituelles lors d'un rassemblement
inter-religieux à Assise (Italie), avant de conclure
un partenariat avec l'Alliance des Religions et de la
Conservation (ARC), une association internationale créée
à l'initiative du Prince Philip d'Angleterre pour
créer des ponts entre les religions et la protection
de l'environnement.
Ce travail a abouti en 2000
à une cérémonie organisée
à Kathmandou, au Népal, au cours de laquelle
les onze grandes religions se sont engagées à
offrir 26 "cadeaux sacrés" à la
Terre, pour contribuer à la survie de la planète
: l'église méthodiste s'est par exemple
engagée à transférer la totalité
de sa trésorerie dans un fonds d'investissement
éthique d'un montant de 30 milliards de dollars,
tandis que l'association taoïste de Chine a appellé
ses membres à renoncer à l'utilisation d'espèces
sauvages menacées dans les préparations
de médecine traditionnelle, ou que la communauté
shinto au Japon a promis de ne plus utiliser, pour ses
80 000 lieux de cultes, que du bois provenant de forêts
exploitées dans le respect des équilibres
naturels.
Fort du succès de cette opération, le WWF
a décidé de poursuivre sa démarche
en France. Après une première rencontre
inter-religieuse en 2001 dans le Gard, le WWF a continué
à renforcer ses liens avec les institutions religieuses
et organise depuis deux ans le Forum Ecologie et Spiritualité,
ouvert au public. La seconde édition a lieu les
2, 3 et 4 octobre 2004, en Savoie, à l'Institut
Karma Ling (l'un des premiers monastères bouddhistes
tibétains en France), en présence de nombreuses
personnalités de courants écologistes et
humanistes (comme Teddy Goldsmith, Pierre Rabhi, Jean-Marie
Pelt, etc.) ainsi que des représentants des grandes
traditions spirituelles. Ces trois jours seront rythmés
par des conférences et tables-rondes (sur des thèmes
comme "la dimension écologiste des traditions
spirituelles", "la crise écologique comme
crise de civilisation", "la dimension spirituelle
de l'écologie", "de
la logique marchande au réenchantement du monde",
…), des ateliers d'échanges et d'expériences,
etc. Un programme passionnant et une occasion unique d'explorer
le sens de la relation de l'homme avec la nature.
Pour en savoir plus :
L'édition 2004 du Forum Ecologie et Spiritualité
: www.karmaling.org
La liste complète des "Cadeaux sacrés"
: www.panda.org/livingplanet
Le site de l'ARC (Alliance des Religions et de la Conservation)
:
www.religionsandconservation.org
Veja
: de nouvelles baskets bio et équitables dans les
starting-blocks !
Veja est l'aboutissement du projet de Juste Planète,
un tour du monde réalisé en 2003 par 3 jeunes
diplômés d'HEC et de Dauphine dont l'objectif
était d'étudier le rôle de l'entreprise
dans le
développement durable, avec une attention particulière
à trois pays : l'Afrique du Sud, le Brésil
et la Chine. De retour à Paris, deux d'entre eux,
Sébastien et François, ont décidé
de se lancer dans l'aventure du commerce équitable.
D'abord parce que le commerce leur a semblé être
une solution plus efficace que la charité ou le
don pour contribuer durablement au développement
; et ensuite parce qu'ils ont tiré de leur aventure
l'idée qu'il est long et coûteux d’
appliquer le principe de développement durable
aux grandes entreprises et qu'il semble plus efficace
de l’ intégrer en amont dans une jeune entreprise
et d’ en faire son axe stratégique. L'activité
de Veja est donc la création et la commercialisation
de chaussures de sport équitables, avec pour objectif
de populariser les produits textiles issus du commerce
équitable et de les sortir du "ghetto ethnique"
que dénoncent ses fondateurs. Pour assurer le succès
et la pérennité du commerce équitable,
il faut le faire entrer dans la consommation courante
des jeunes citadins, loin des produits d’artisanats
locaux. Les baskets Veja sont produites au Brésil,
dans les conditions du commerce équitable, en suivant
une méthodologie développée par AlterEco
et PriceWaterhouse Coopers (bien que le label du commerce
équitable, Max Havelaar, ne couvre pas encore certains
produits comme le caoutchouc) : le coton est acheté
à une coopérative locale en cours de labellisation
biologique ; le caoutchouc est fourni par une coopérative
qui achète le latex à des petits producteurs,
afin de valoriser la production de la forêt pour
faire vivre ses habitants et arrêter la déforestation
; et les chaussures sont également fabriquées
par une coopérative dont les employés les
moins qualifiés reçoivent un salaire qui
est le double du salaire minimum national. A terme, les
fondateurs de Veja entendent bien fabriquer des chaussures
avec 100% de matériaux certifiés équitables
(y compris le cuir, qui entre pour de petites parties
dans la composition de la chaussure) mais aussi compenser
les émissions de carbone liées au transport
des produits. Le lancement officiel est prévu pour
le premier trimestre 2005 mais les deux fondateurs ont
activement commencé la promotion : au salon Who's
Next, à Paris, ils ont d'ores et déjà
séduit les grands magasins parisiens mais aussi
les acheteurs japonais en quête de nouveautés…
Aux dernières nouvelles, une opération serait
même prévue avec le concept-store Colette.
Pour en savoir plus : www.veja-fairtrade.com
(en ligne prochainement)
A la ferme des Vigneaux,
on prend le temps de vivre ensemble …
Fabienne Barber en est à sa deuxième vie.
Autrefois mannequin, elle a décidé de
monter en 1991, à St Laurent en Sologne, la ferme
associative des Vigneaux. L’objectif de l’association,
baptisée « De 7 à 97 ans »,
est de susciter la rencontre, de développer le
contact et d’entretenir la relation entre les
jeunes enfants et les personnes âgées.
La ferme des Vigneaux constitue pour cela un cadre idéal:
composée de plusieurs bâtiments indépendants
entourés d’un parc aux arbres centenaires
traversé par deux rivières, elle est un
véritable "lieu de vie", donnant la
possibilité de faire cohabiter des personnes
très différentes autour de projets communs.
Le principe fondateur pour Fabienne Barber est d’allier
l’imagination, la créativité et
la spontanéité des uns à l’expérience
et au savoir-faire des autres, via par exemple la découverte
de la nature, de la vie à la ferme, de la pêche
ou de la cuisine, de la musique ou du théâtre,
en tout cas de la rencontre avec l’autre. L’association
propose donc un accueil, l’hébergement
et des activités aux deux groupes, composés
chacun d’une dizaine de personnes avec ou sans
encadrement, de courte ou de moyenne durée (une
à quatre semaines). Dans la journée, les
ressources offertes par l’environnement proche,
comme le potager, les animaux et la forêt, sont
bien exploitées. Une approche écologique
est adoptée pour favoriser la cohésion
du groupe : à travers les marches, les promenades
en carrioles ou les ateliers, chacun a la possibilité
d’observer des animaux dans leur milieu de vie,
de découvrir le rôle et la place des êtres
vivants ou d’en savoir plus sur les notions de
chaînes et de réseaux alimentaires. Le
soir venu, les repas en commun, les veillées,
les jeux ou les contes facilitent l’échange
et la rencontre entre seniors et juniors. La ferme a
déjà accueilli 3000 enfants issus de foyers,
centres ou familles et 3000 personnes âgées
accueillies individuellement ou en groupes. Depuis juillet
2001, trois gîtes sont également proposés
à des artistes, toutes disciplines confondues.
Sur une durée de séjour pouvant aller
d’un week-end à 3 mois, les artistes peuvent
créer dans un atelier qui leur est réservé,
partagent leurs créations avec les jeunes et
leurs aînés et exposent dans une galerie
de 120 m2. Au 30 juin 2004, l’association a restauré
quatre bâtiments d’accueil de la ferme.
La ferme compte six salariés dont un C.I.E, deux
C.E.C et deux emplois-jeunes. Son budget de fonctionnement
est de 200 000 euros annuels.
Pour en savoir plus: http://www.7a97ans.asso.fr/
"Créatifs
Culturels" ou "Alter-Consommateurs" posent
les bases d’un changement de société
Beaucoup considèrent aujourd’hui qu’une
évolution des valeurs et des modes de vie dominants,
dans toutes les strates de la population, est la meilleure
voie - et peut-être la seule - pour créer
un monde plus respectueux des personnes et de l’environnement.
Cette évolution, indéniablement en cours,
n’était jusqu’à récemment
pas reflétée dans les études ou
sondages, et de ce fait non reconnue comme telle par
les entreprises ou les hommes politiques…voire
même par ceux qui en sont les acteurs et se sentent
souvent isolés dans leur vision des choses. Mais
les temps changent et les études récentes
convergent pour confirmer l’ampleur de ce changement
culturel. D’abord, on trouve le travail, après
quinze ans d’enquête, du sociologue américain
Paul H. Ray, résumé en 2000 dans un livre
traduit l’année suivante en français
sous le titre « L’émergence des
Créatifs Culturels - Enquête sur les acteurs
d’un changement de société ».
Qui sont ces Créatifs Culturels ? Selon Paul
Ray, ils représentent 24% de la population américaine,
avec les caractéristiques suivantes : femmes
et hommes plutôt urbains, âgés de
20 à 60 ans et ayant fait des études supérieures,
ils sont concernés par les problèmes de
nos société et affichent un sens aigu
de l’engagement individuel mêlé à
un optimisme pour l’avenir ; ils s’intéressent
plus que la moyenne à l’écologie,
aux cultures du monde, à la psychologie et à
la spiritualité ; en termes de consommation et
de style de vie, ils représentent un public exigeant,
pionnier de nouveaux comportements, lisant la presse
et écoutant la radio plus qu’ils ne regardent
la TV, lisant les étiquettes des produits qu’ils
achètent et aimant avoir une vision globale de
l’information (qu’il s’agisse d’un
article de magazine ou d’une boîte de céréales)
– autrement dit, ils consomment, mais d’une
façon qualitative, et sont sensibles aux offres
alternatives en particulier dans les domaines de la
santé, de l’alimentation, de l’habitat
et du loisir ; enfin, la notion de réalisation
personnelle a remplacé pour eux celle de réussite
matérielle. La question se pose donc de savoir
si en Europe, et en France plus particulièrement,
le phénomène des Créatifs Culturels
a son équivalent et de déterminer la capacité
d’influence de ce mouvement. En attendant l’étude
à ce sujet que souhaite mener Yves Michel, l’éditeur
de la version française du livre de Paul Ray,
avec différents partenaires dont le Club de Budapest,
une étude récente d’une filiale
du groupe de publicité McCann apporte quelques
éléments de réponse. Elle conclut
en effet que de 15 % à 25 % des Français
seraient ce qu’elle qualifie d’"alterconsommateurs".
Et ces "alter" sont assez proches des Créatifs
Culturels : appartenant à des catégories
socioprofessionnelles supérieures, à fort
pouvoir d'achat, ils veulent changer le système
afin de le rendre plus durable et plus acceptable à
leurs yeux. Pour s'affranchir de la consommation de
masse, ils arbitrent leurs achats en fonction de critères
éthiques et du respect de l'environnement et
affichent une prise de distance par rapport aux marques
et à la publicité, qui échouent
à leur parler. Signe peut-être annonciateur
d’un changement majeur dû à cette
frange importante de la population : pour la première
fois en France depuis dix ans, les ventes de produits
de grande consommation sont en baisse alors qu’elles
progressaient de 3 % à 4 % par an.
Pour en savoir plus :
Le site créé par Paul H. Ray : www.culturalcreatives.org
L’article
paru dans Le Monde en juillet dernier sur les «
alter-consommateurs »
© Graines de
Changement, Septembre 2004 - Tous droits de reproduction
et de diffusion réservés - Si vous souhaitez
utiliser ces articles, merci de nous
contacter.
L'article sur la Ferme des Vigneaux figurant
dans ce numéro a été écrit
par Geneviève Garnier.
|