Numéro 15 - Mai 2005
Notre
revue mensuelle de l'information positive sur le web…
et ailleurs
The Center for Ecoliteracy
: mieux connaître la nature pour mieux la protéger
« Au fond, une seule question relie tout ce
que je fais, dans mes livres et dans mes travaux : qu’est-ce
que la vie ? ». Physicien et spécialiste
de la théorie des systèmes, Fritjof Capra
est aussi auteur scientifique et conférencier
de renom depuis « Le tao de la physique »,
un best-seller sur les similitudes entre les traditions
mystiques orientales et les plus récentes découvertes
de la science, paru en 1975 et depuis traduit dans 23
langues. Né à Vienne, dont il est parti
après son doctorat en 1966, Capra a été
professeur et chercheur à Paris, Londres ou Stanford
avant de s’établir à l’Université
de Berkeley, en Californie. Il y dirige notamment The
Center for Ecoliteracy, une association qu’il
a créée il y a dix ans pour promouvoir
l’écologie dans l’enseignement primaire
et secondaire.
"Tous les écosystèmes naturels
fonctionnent d’une manière universelle
qui leur permet de créer et de développer
la vie, en la respectant. Mais ce n’est pas le
cas des systèmes conçus par l’Homme
: nos sociétés, nos entreprises, nos économies
et nos technologies doivent être repensées
pour une meilleure harmonie avec la capacité
de la nature à entretenir la vie".
Pour Capra, la première étape pour cela
est de comprendre comment les écosystèmes
sont organisés, et l’enseignement de cette
« culture écologique », dès
le plus jeune âge, est la mission la plus importante
du système éducatif moderne. Soucieux
de ne pas faire de l’écologie une matière
à part, il travaille avec les enseignants, les
administrations et les parents pour l’intégrer
en amont à toutes les disciplines enseignées.
Et parce qu’un lien émotionnel, fondé
sur l’expérience, doit selon lui compléter
la connaissance théorique, il a imaginé
« Rethinking School Lunch », un programme
pour faire des cantines scolaires un lieu de pédagogie
sur l’alimentation - de l’agriculture à
la nutrition. Au collège Martin Luther King,
à Berkeley, il a même créé
avec la "chef" Alice Waters un jardin potager
biologique et pédagogique qui fait référence
dans tout le pays : "une étude récente
a montré que les enfants connaissent mieux l’environnement
et qu’ils sont aussi moins violents, plus enclins
à travailler en équipe".
Pour l’heure, Capra se consacre à son prochain
livre, qui paraîtra en 2007 : "un ouvrage
sur Léonard de Vinci, qui fut le premier grand
scientifique moderne, un siècle avant Galilée,
avec une vision pas du tout mécaniste mais au
contraire globale, et très écologique".
Pour en savoir plus :
www.fritjofcapra.net
www.ecoliteracy.org
Le tourisme
: une industrie riche en nouveaux concepts "responsables"…
Décidément,
les projets touristiques revendiquant une valeur ajoutée
sociale ou environnementale se multiplient. Deux exemples
récents viennent illustrer la riche variété
de cette offre nouvelle, des lieux les plus accessibles
aux retraites les plus chics…
D’abord, le Inout Hostel, un projet innovant de
tourisme vert et « social » dont la plus
grande originalité est d’employer 90% de
travailleurs handicapés. Située à
15 minutes du centre-ville de Barcelone, en plein cœur
d’un parc naturel de 24 hectares de forêts
et jardins, c’est une auberge simple de 184 lits,
avec des tarifs accessibles à tous (15 à
24 euros par nuit et par peronne), des terrasses aménagées
pour se détendre ou prendre le soleil, des soirées
d'observation des étoiles organisées pour
les visiteurs et un accès pratique évidemment
privilégié pour les personnes handicapées.
Tout cela, avec un slogan fièrement affiché
: "laissez une équipe de personnes handicapées
vous montrer tout ce dont elles sont capables ; laissez-vous
gagner par leur spontanéité, leur joie
de vivre et leur envie d’apprendre ; en leur permettant
de vous servir, vous leur permettez de s’intégrer
au monde du travail et à la société
."
Dans un genre très différent, le Vigilius
Mountain Resort propose un séjour « chic
» et écologique en pleine montagne sauvage
: situé dans le Tyrol italien, à la frontière
avec l’Autriche, à 1500 mètres d’altitude,
le bâtiment, en harmonie avec la nature environnante,
est principalement construit en bois, verre et argile,
des matériaux renouvelables permettant d’exploiter
au maximum la lumière du soleil, d’assurer
une isolation optimale et de stocker la chaleur de la
journée pour la restituer la nuit. Le toit végétal
complète l’isolation du bâtiment,
qui fonctionne pour une grande partie en utilisant des
énergies renouvelables et d’origine locale
(comme le bois, acheté en copeaux aux exploitants
locaux pour chauffer le bâtiment l’hiver).
Résultat : le Vigilius est le premier dans le
pays à avoir reçu fin 2004 le label «
ClimateHouse A», qui récompense une consommation
énergétique exceptionnellement basse (30
kWh/m2/an), compte-tenu de l’altitude. Précisons
enfin que, naturellement, le Vigilius Mountain Resort
n’est accessible que par téléphérique.
Pour en savoir plus :
www.inouthostel.com
www.vigilius.it/en/welcome
Delancey
Street Foundation : la réinsertion vue comme
une entreprise à succès
Un "Harvard des perdants" : c'est
ainsi que Mimi Silbert, 61 ans, ancienne psychologue
de la criminalité, décrit son projet d'université
des rues pour anciens toxicomanes, prostituées
ou cambrioleurs. Concrètement, Delancey Street
Foundation est un programme de réinsertion conduit
par et pour d'anciens détenus, qui parie sur
l'esprit d'entreprise pour remettre dans une dynamique
positive ces individus que tous (à commencer
par eux-mêmes) croient enfermés dans une
"spirale de l'échec".
Lors de sa création en 1971 par Mimi et son mari,
l'organisation abritait 10 personnes dans un vieil appartement
de San Francisco ; avec 1 500 pensionnaires sur 5 sites
différents aux Etats-Unis, c'est aujourd'hui
devenu un modèle souvent cité en exemple.
Le succès de Delancey Street repose sur une particularité
: l'organisation est intégralement auto-gérée
par ses pensionnaires, des "dirigeants" hors-normes
qui ont en moyenne à leur actif 4 ans de prison,
18 condamnations et 10 ans de toxicomanie. Pendant deux
ans au moins, ceux-ci se consacrent à l'acquisition
de connaissances scolaires et de compétences
professionnelles, chacun étant tour à
tour enseignant et élève.Car Delancey
Street est aussi une pépinière de 20 entreprises
faisant office d'écoles de formation –
un garage automobile, une société de déménagement,
une librairie, un restaurant devenu l'un des endroits
les plus branchés de San Francisco,… Les
profits de ces entreprises financent en retour la Fondation
qui a permis leur création. A la tête d'un
budget de 20 millions de dollars, Mimi persiste en effet
à refuser les aides de l'Etat, "de peur
que les participants arrêtent de compter sur le
succès de leur entreprise pour s'en sortir".
Pour en savoir plus :
www.eisenhowerfoundation.org/grassroots/delancey
Planète Attitude Junior : un livre pour
faire de nos enfants des écocitoyens !
Encouragés par le succès de Planète
Attitude, un guide des gestes écologiques au
quotidien paru en 2004, le WWF et les Editions du Seuil
récidivent, à la veille de la Semaine
du Développement Durable, avec une version «
junior » du livre… « pour que
les plus jeunes, aussi, puissent participer à
la protection de la planète et de ses habitants
». Destiné prioritairement aux 8-12
ans, ce livre documentaire repose sur un parti-pris
futé pour capter l’attention des enfants
: prenant comme point de départ le fait que les
espèces qui font l’émerveillement
des enfants d’aujourd’hui ne seront peut-être
plus que des souvenirs demain, il établit un
lien entre ces animaux qui paraissent lointains…
et nos choix quotidiens ont des conséquences
sur leurs conditions de vie. Sept chapitres abordent
ainsi sept dangers majeurs menaçant notre planète,
chacun étant symbolisé par un animal totem
et débouchant sur toute une série d’idées
simples pour protéger les espèces mencées
sans se compliquer la vie : ne pas laisser la TV en
veille pour économiser l’énergie
et ainsi faire un geste pour l’ours polaire victime
du réchauffement climatique ; organiser une journée
de nettoyage des rives avec l’école pour
éviter que la loutre souffre de la pollution
de l’eau douce ; constituer un “cartable
écologique” (cahier en papier recyclé,
crayon en bois naturel…) pour agir sur la déforestation
qui menace l’orang-outan, etc. Le tout, avec des
anecdotes percutantes sur la faune et la flore, des
devinettes, des adresses utiles, des labels à
reconnaître… et même des vignettes
à coller sur la poubelle, le vélo ou la
boîte aux lettres… pour sensibiliser toute
la famille !
USA : pour lutter contre
la délinquance, un collectif d'architectes veut
concevoir des maisons… mais plus de prisons !
Fondé en 1983 à San Francisco en Californie,
le groupe des Architectes et Designers pour la Responsabilité
Sociale (Architects/Designers/ Planners for Social Responsibility
- ADPSR) a lancé en septembre dernier un boycott
de la profession sur tout ce qui concerne la conception,
la construction et la rénovation de prisons à
travers le pays. Pour fonder leur action, les architectes
argumentent tout à la fois sur les inégalités
sociales et raciales qu’entretient le système
pénitenciaire américain, sur son inefficacité
avérée pour prévenir les récidives
et préparer la réinsertion des ex-détenus,
sur ses impacts négatifs tant sur la vie des
personnes incarcérées que sur celle des
petites villes où sont construites ces prisons…
Ils insistent aussi sur le poids budgétaire de
ce système et sur la nécessité
de freiner son développement : aux Etats-Unis,
le nombre de prisonniers est ainsi passé de 1,8
millions en 1980 à 6,9 en 2003, avec un taux
d’incarcération exceptionnellement élevé
de 701 pour 100 000 – contre 76,5 en moyenne pour
les pays européens, 59 en Asie du Sud ou 327
en Afrique. Au total, il a fallu bâtir plus de
3300 prisons nouvelles entre 1990 et 2000, pour un coût
total avoisinant les 27 milliards d’euros. Pour
les initiateurs de la campagne, qui affirment que leurs
compétences sont plus utiles à la société
quand elles sont utilisées pour construire des
centres communautaires, des logements sociaux ou des
écoles, le boycott des architectes peut au moins
avoir le mérite d’alerter l’opinion
sur les problèmes et la prolifération
des prisons.
Pour en savoir plus : www.adpsr.org/prisons
Un journaliste de The
Guardian se transforme sous les yeux des lecteurs en
consommateur responsable…
Leo Hickman est journaliste
au sein du très respecté quotidien britannique
The Guardian
Il y a un an, il eut avec son rédacteur en chef
l’idée d’écrire une série
d’articles de sensibilisation aux questions écologiques
et sociales, mais en évitant de passer pour un
moralisateur ou un donneur de leçon. Comment
vivre au quotidien une vie moderne et en cohérence
avec ses valeurs…si l’on n’est pas
un militant écologiste de la première
heure, prêt à tous les sacrifices ? Au
fil des discussions, cette idée s’est transformée
en une expérience de plus d’un an qui a
entraîné autour de Léo toute sa
famille vers un mode de vie plus responsable et éthique.
Il s’agissait en fait de prendre un « cobaye
» qui ne se posait pas encore ces questions et
de le mettre au défi de changer ses habitudes
quotidiennes, tout en lui demandant de consigner (dans
les articles et sur un « blog » - autrement
dit un journal en ligne sur Internet) les succès
et les difficultés rencontrés en chemin.
« Il faut dire que nous venions d’avoir
un bébé, et donc nous étions plus
enclins à faire attention aux générations
futures, donc je n’ai pas eu trop de mal à
convaincre ma femme de tenter l’expérience
au début… mais elle ne savait pas jusqu’où
cela allait nous mener, et moi non plus d’ailleurs
! » Tout a commencé avec trois «
auditeurs » (issus d’associations environnementales
et d’un magazine consumériste spécialisé)
qui ont débarqué chez Léo et sa
petite famille durant toute une journée pour
examiner à la loupe leur mode de vie, les appareils
électriques utilisés au quotidien, les
produits ménagers ou cosmétiques présents
dans les placards, les aliments disponibles dans son
réfrigérateur… pour finir par faire
des recommandations assez strictes sur les changements
à mettre en œuvre dans leurs modes de transport
(par chance, Léo n’avait pas de voiture,
habitant dans Londres !), dans leur cuisine, dans leur
habillement, dans leur salle de bains, dans leur jardin…et
même dans leur approche des Fêtes de Noël
! Evidemment, la mission de Léo s’est prolongée
même (et surtout) en dehors de son temps de travail
: « il nous a ainsi fallu passer nos premières
vacances sans avion ni voiture : nous sommes allés
en train en Italie et avons fait de la marche, avec
le bébé sur le dos, dans la région
de l’Ombrie, c’était de super-vacances,
dont nous n’aurions jamais eu l’idée
sinon ».
Mais la vie de consommateur responsable n’est
pas de tout repos et les articles de Léo Hickman,
riches en conseils, sont aussi très transparents
sur les dilemmes éthiques que lui ont posé
tout à la fois son expérience et ses lecteurs
: est-il vraiment nécessaire de se laver les
cheveux ? Faut-il préférer une pomme bio
de Nouvelle-Zélande, une pomme non-biologique
de la région du Kent ou une pomme équitable
d’Afrique du Sud ? Est-il vraiment responsable
d’avoir une maison de campagne ? Et d’avoir
des enfants ?
Autant de questions sur lesquelles le journaliste revient
dans la compilation de réflexions et d’articles
qu’il vient de publier : « A Good Life:
The Guide to Ethical Living « , publié
tout naturellement par Guardian Books.
Pour en savoir plus : http://money.guardian.co.uk/ethicalliving
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