Numéro 17 - Juillet/Août
2005
Notre
revue mensuelle de l'information positive sur le web…
et ailleurs
Nutriset : des produits
alimentaires conçus pour lutter contre la malnutrition
"Nous sommes la seule société
agroalimentaire 100 % dédiée aux programmes
humanitaires internationaux", expliquait
il y a peu Adeline Lescanne, chef de projet, au quotidien
Libération. Nutriset, une PME normande de 35
salariés, a en effet été créée
par son père, Michel Lescanne, PDG et inventeur,
en 1986 : depuis, l’entreprise affiche un beau
développement, avec un chiffre d’affaires
de 12 millions d'euros en 2004 des bénéfices
consacrés pour l’essentiel, selon ses dirigeants,
à la recherche et au développement. Les
produits de Nutriset sont utilisés par les établissements
de l’ONU et par des ONG comme MSF ou Save the
Children dans des pays allant du Niger au Malawi, à
l’Ethiopie, à l’Angola en passant
par le Congo, les pays d’Asie du Sud-Est frappés
par le tsunami ou encore la région du Darfour,
au nord-ouest du Soudan.
Parmi les produits-phares de Nutriset, on trouve des
préparations à base de lait en poudre
(traditionnellement utilisé pour lutter contre
la malnutrition) mais aussi Vitapoche, une barre chocolatée
spécifiquement conçue avec l’INSERM
pour compenser les carences en vitamines et minéraux
fréquentes chez les sans-abri, et surtout Plumpy
Nut, un sachet de beurre de cacahuètes riche
en sucre, matière grasse, minéraux et
vitamines qui a valu à la petite entreprise française
la une du Wall Street Journal en avril dernier. Car
cette pâte, qui ne nécessite aucune préparation
(c’est son avantage sur le lait en poudre par
exemple) ni déplacement des familles dans des
dispensaires, fait des miracles contre la malnutrition
: avec trois sachets par jour, pendant quelques semaines,
l'enfant traité grossit de 15 grammes par kilo
et par jour. Au Soudan par exemple, les sources officielles
indiquaient récemment que le produit avait aidé
à réduire de moitié les taux de
malnutrition dans le Darfour.
En période de crise humanitaire, la petite usine
normande tourne 24 heures sur 24. Mais depuis deux ans,
Nutriset a également développé
un système de franchises (auxquelles le brevet
est cédé gratuitement) permettant à
des entrepreneurs africains de prendre en charge localement
une production complémentaire, ce qui rend Plumpy
Nut plus facilement disponible et offre aux populations
la possibilité de résoudre elles-mêmes
leurs problèmes.
Pour en savoir plus :
www.nutriset.fr
www.plumpynutinthefield.com
www.vitapoche.com
La Corse
: région-phare du développement durable
?
En pleine saison estivale,
la Corse, confrontée à l’afflût
des touristes et aux défis de l’écotourisme,
s’affirme pourtant dans les médias comme
une région-phare du développement durable
dans l’hexagone, multipliant les initiatives pour
valoriser et protéger le patrimoine naturel et
culturel qui fait sa réputation.
D’abord, l’île de Beauté a
été pionnière dans la suppression
des sacs plastique aux caisses des grandes surfaces.
C'est en 1999 que l'association Les Amis du vent (initiatrice
du Festival du même nom – voir plus loin)
lance en Corse un appel baptisé "Halte
aux sacs plastique". Avec un argumentaire choc
: il faut 100 à 400 ans pour qu'un sac disparaisse
s'il est abandonné dans la nature et les déchets
de plastique représentent la plus grande partie
des déchets trouvés au fond de la mer
(entre 60 à 95% selon les sites). L’adhésion
rapide des patrons locaux de supermarchés comme
des élus de l’assemblée territoriale
a fait que le 1er août 2003, la distribution des
sacs aux caisses des grandes surfaces de l'île
a été définitivement supprimée.
Certes, sur le continent, les centres Leclerc avaient
amorcé la démarche dès 1996, mais
selon le quotidien Le Figaro, "c’est
la Corse qui a fait basculer les mentalités et
déclenché le processus, de Lille à
Marseille". Fin 2003, la Fédération
des entreprises du Commerce et de la Distribution (FCD)
s’est ainsi engagée sur une diminution
de 25% du nombre de sacs distribués, et d’autres
régions ont officiellement suivi, comme Rhône-Alpes…
Ensuite, alors que le Conservatoire du Littoral vient
de fêter ses 30 ans, la Corse est reconnue comme
emblématique des succès qu’il peut
remporter en matière de protection de l’environnement,
notamment contre le bétonnage mercantile des
côtes : le Conservatoire est désormais
propriétaire de 20 % des 1 000 kilomètres
du linéaire côtier de l'île - soit
autant que ce qu'il souhaite acquérir à
l'échelon national d'ici à 2050, et certaines
initiatives comme l'acquisition et la protection du
mythique désert des Agriates, entre l'Ile-Rousse
et Saint-Florent, font partie de ses réussites
les plus éclatantes.
Sur le volet social et culturel, l’île n’est
pas en reste, comme en témoigne notamment le
succès des marques "altermondialistes" locales, comme la bière Pietra ou le
Corsica Cola, plébiscitées par les touristes
et qui affichent fièrement leur contribution
à l’économie corse (Corsica Cola
revendiquait quelques semaines après son lancement
20 % du marché corse des bouteilles de 25cl).
En parallèle, les initiatives de sensibilisation
du public se multiplient - de la réussite exemplaire
du Festival du Vent, une manifestation écologique,
culturelle et sportive dont la 14e édition aura
lieu à Calvi du 29 octobre au 2 novembre 2005,
au lancement récent de Stantari, une revue associative
scientifique et écologique sur la Corse, destinée
à faire découvrir au grand public (curieux
ou déjà connaisseurs) les merveilles naturelles
et culturelles de l'île de beauté. Cette
revue qui s'adresse à la communauté des
amoureux de la Corse et de la nature est placée
sous le parrainage de différentes personnalités
allant du Ministre de la Culture et de la Communication,
Renaud Donnedieu de Vabres, au Prix Nobel Georges Charpak.
Pour en savoir plus :
www.lefestivalduvent.com
www.stantari.net
(le numéro 2 est en vente dans tous les kiosques)
"Les Rivages de la Corse. Histoires naturelles
et humaines du littoral", de Guy-Patrick Azémar,
photographies de Christian Andreani, Actes Sud, "Conservatoire
du littoral", 2004, 208 p., 35 €.
Avec
"Feed me Better", le jeune chef Jamie
Oliver veut révolutionner les cantines britanniques
!
15% des enfants anglais âgés de moins de
11 ans sont aujourd'hui considérés comme
obèses. Un chiffre alarmant car ces enfants,
dont la plupart resteront obèses à l'âge
adulte, courent de gros risques de santé (maladies
cardio-vasculaires notamment). Les scientifiques vont
même jusqu'à estimer aujourd'hui qu'ils
seront la première génération à
mourir avant leurs parents. Au-delà des problèmes
de poids, les déséquilibres alimentaires
affectent également la santé psychologique
des enfants car ce que nous mangeons conditionne aussi
notre humeur, notre capacité de concentration,
etc. Pour la star des chefs Jamie Oliver, il est donc
urgent d'agir pour vaincre le fléau de la malbouffe
et du snacking, en réapprenant aux enfants (mais
aussi à leur famille) à s'alimenter !
Tout commence lorsque Jamie entreprend de créer,
il y a 2 ans, le restaurant d'insertion londonien Fifteen
(voir la newsletter Graines
de Changement #1 – Février 2004) et
une Fondation qui veut apprendre aux jeunes des banlieues
défavorisées l'art de cuisiner : il s'aperçoit
que ses nouvelles recrues en savent en réalité
très peu sur la nourriture, le goût des
aliments, leur provenance, etc. En quelques mois, Jamie,
peut-être sensibilisé au sujet par son
nouveau rôle de père de famille, choisit
son nouveau terrain de bataille : les cantines scolaires.
Pourquoi ? Simplement parce que ces valeurs fondamentales
qui se perdent dans les familles ne sont pas non plus
abordées dans les écoles où les
repas servis sont par ailleurs d'une qualité
nutritionnelle désastreuse. Jamie, qui a les
faveurs des médias, convainc en 2005 Channel
4 de lancer une nouvelle série d'émissions
baptisée "Jamie's School Dinners" :
il veut montrer que l'on peut changer radicalement le
système des cantines scolaires et commence, pendant
plusieurs mois, en travaillant dans le quartier londonien
de Greenwich avec une école de 1 200 élèves
- qui mangeaient au total plus de 250 Kg de tonnes de
chips par semaine à son arrivée ! Il élabore,
avec l'équipe de cuisinières de l'école
(ravies de voir ainsi leur métier revalorisé),
toute une série de nouvelles recettes équilibrées
et préparées chaque jour à partir
de produits frais - des menus qui sont aujourd'hui proposés
dans tous les autres établissements des environs,
ce qui représente 15 000 repas par jour.
La campagne "Feed me better" est née
pour généraliser le mouvement amorcé
avec l'émission : toutes les recettes, mais aussi
les trucs et astuces testés avec succès
à Greenwich font ainsi partie du "Feed me
better pack" proposé aux écoles dans
le cadre de la campagne. Un manifeste en 5 points donne
l'esprit du projet, affirmant qu'il est indispensable
de comprendre que "l'alimentation est clef"
(puisqu'elle influence le comportement, le développement
physique et mental ou leur capacité à
apprendre des enfants), mais aussi de "bannir la
junk food" et de redéfinir les standards
nutritionnels applicables aux repas scolaires, de revaloriser
le métier des cuisinières scolaires en
investissant dans leur formation à la nutrition
et à la préparation de repas sains et
frais, d'intégrer la nutrition et la cuisine
aux programmes scolaires, et enfin de doubler le montant
alloué à la préparation des repas
scolaires (de 35 à 70 pences par repas au moins)
pour pouvoir varier et équilibrer ceux-ci.
Petit à petit, les choses bougent : Jamie Oliver
a remis en mars dernier une pétition de près
de
300 000 signatures à Tony Blair, lequel s'est
engagé dans la foulée à investir
280 millions de livres dans l'amélioration des
repas scolaires et a créé un comité
de contrôle des cantines.
Pour en savoir plus :
www.feedmebetter.com
En Californie, la conférence annuelle
des "Bioneers" célèbre les
entrepreneurs du meilleur
On se demande souvent quels sont les lieux de rencontre
de ces "entrepreneurs du meilleur", où
se retrouvent et échangent tous ceux qui mettent
leur créativité et leur énergie
au service de projets qui changent le monde… La
conférence annuelle des "Bioneers",
dont la 16ème édition aura lieu du 14
au 16 octobre prochains à San Rafael (Californie),
est sans aucune doute l’un des rassemblements
les plus inspirants de ce point de vue. Cet événement
rassemble en effet chaque année près de
3000 personnes, innovateurs sociaux et scientifiques,
entrepreneurs alternatifs, venant des quatre coins du
monde pour réfléchir et échanger
sur les solutions concrètes, sociales et environnementales,
applicables aujourd'hui pour "restaurer la planète".
L’histoire de "Bioneers" remonte à
1990, au moment de la création, par Kenny Ausubel
et sa femme Nina Simons, de l'association CHI (Collective
Heritage Institute), dont la mission initiale était
de promouvoir des systèmes alternatifs de commerce
des produits agricoles permettant de soutenir les petits
producteurs adoptant des pratiques écologiques.
La conférence, qui a entre-temps donné
son nom à l’organisation, fut créée
en parallèle pour faire de la pédagogie
autour des initiatives de "restauration" de
l'environnement. Il faut dire 10 ans auparavant, Kenny
Ausubel avait créé et présidé
Seeds of Change, la première entreprise américaine
de graines biologiques destinées à l’agriculture,
avec un fort accent sur la préservation de la
biodiversité.
Pour ses fondateurs le "développement durable"
se situe à mi-chemin entre la destruction et
la restauration, et ne saurait suffire dans un contexte
où les écosystèmes naturels sont
déjà significativement dégradés.
C’est à la réparation complète
des écosystèmes, à leur "restauration",
qu’il faut s’atteler. Et pour cela, il est
indispensable de reconnaître l'interdépendance
entre les différentes dimensions de notre environnement
– naturelle, biologique, culturelle, économique
et spirituelle. D’où la volonté
de Kenny de célébrer et de diffuser le
travail de ceux qu’il appelle des "bioneers",
ou "biological pioneers". Des scientifiques,
artistes, jardiniers, économistes, activistes,
architectes, journalistes, agriculteurs, hommes de foi,
shamanes, décideurs politiques ou citoyens qui
ont en commun de vouloir préserver et soutenir,
par leurs actions, la vie sur terre. La conférence
annuelle est ainsi au cœur d'une série plus
large d'actions pédagogiques et médiatiques
(newsletter, livres, programmes radios, etc.) vouées
à diffuser les solutions développées
par les "bioneers". Pour Kenny Ausubel, si
l'homme a été capable de créer
les problèmes sociaux et environnementaux auxquels
nous devons faire face aujourd'hui, il est également
capable de les résoudre en prenant la nature
comme alliée. Un postulat sympathique, qui a
valu à Kenny Ausubel de faire partie des "visionnaires"
célébrés par le magazine alternatif
Utne Reader en 1996, puis à Bioneers d’être
choisie par le même magazine, quelques années
plus tard, comme "l’une des 15 idées
pour faire bouger le monde".
Pour en savoir plus : www.bioneers.org
Mieux gérer les
décharges et combattre le chômage : le
défi d’Albina Ruiz
Albina Ruiz est péruvienne. C’est durant
sa formation d’ingénieur, il y a vingt
ans, qu’elle prend conscience des innombrables
problèmes sanitaires et de pollution causés
par la mauvaise gestion des déchets dans son
pays. Tout en travaillant sur sa thèse de fin
d’études, elle développe alors un
modèle de gestion des déchets dans El
Cono Norte, un quartier de Lima, la capitale. Là-bas,
1,6 millions de personnes produisent chaque jour 600
tonnes de déchets ; la municipalité ne
pouvant en gérer que la moitié, le reste
finit dans les rues, les terrains vagues et les rivières
– avec de sérieuses conséquences
sanitaires et environnementales. La mauvaise gestion
des déchets dans les pays en voie de développement
vient essentiellement du fait que les services publics
n’ont pas assez d’argent pour mettre en
place les infrastructures nécessaires ; et les
problèmes que cela engendre n’incitent
pas les habitants à payer la taxe pour le ramassage
des déchets ménagers… Pour briser
ce cercle vicieux, Albina Ruiz a l’idée
de s’appuyer sur les forces vives de cette communauté
en les aidant à créer des micro-entreprises
de collecte et de traitement des déchets. Le
prix du service est fixé à 1,5 dollars
par mois (le prix d’une bière) et Albina
utilise sa créativité pour mettre en place
toute une série d’actions marketing visant
à inciter les familles à utiliser la prestation
mais aussi à payer régulièrement
et à temps le service rendu. Le premier projet
de l’association Cuidad Saludable est né.
Vingt ans plus tard, cette approche a fait école
et l’association d’Albina Ruiz chapote des
initiatives de ce type dans 20 villes du Pérou
- des projets qui emploient au total plus de 150 personnes
et desservent plus de 3 millions d’habitants.
Dans les différentes communautés, ces
micro-entreprises sont le plus souvent gérées
par des femmes qui étaient auparavant au chômage
et font désormais du porte-à-porte pour
ramasser les poubelles, récolter l’argent
et sensibiliser les habitants à l’importance
d’un environnement sain. Certaines ont même
connu un succès tel qu’elles ont diversifié
leurs activités en proposant des produits comme
de l’engrais biologique produit à partir
des déchets organiques qu’elles collectent.
En impliquant directement des membres des communautés
confrontées au problème des déchets,
les projets d’Albina Ruiz atteignent des taux
de paiement de 98% alors que la taxe imposée
par le gouvernement n’est payée que par
40% de la population ! Par ailleurs, les projets de
Ciudad Saludable dans certaines communautés ont
permis la mise en place du tri sélectif et la
réduction des contaminations des nappes phréatiques
grâce à la fermeture ou la réhabilitation
des décharges municipales. Les Pouvoirs Publics
lui ont même récemment demandé de
réfléchir à un plan national pour
améliorer la gestion des déchets au Pérou,
cependant que d’autres pays d’Amérique
Latine envisagent de s’inspirer de sa méthode.
Pour en savoir plus (site en français)
: http://ciudadsaludable.org/frindex.htm
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